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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 19:20

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oute rayonnante au milieu de ses quarante œuvres exposées dans une galerie accueillante de la Butte-aux-Cailles, je retrouve Jocelyne, cette talentueuse artiste peintre, dessinatrice et coloriste hors pair, dont je suis le parcours depuis bientôt un quart de siècle dans le monde de l’art et de ses chausse-trapes. Pour une fois, elle a délaissé son Montparnasse au profit d’une autre facette du Paris artistique, littéraire, pictural, vagabond, qui s’encanaille en chansons lorsque la nuit tombe sur la Butte. Aujourd’hui, pour cette femme réservée, c’est la fête, car les visiteurs se pressent pour voir ses œuvres pleines de lumière et de poésie. Il est vrai que la grande qualité des tableaux exposés est au rendez-vous, avec un public de connaisseurs enthousiaste.

Née dans le Cœur de France, à Saint-Amand-Montrond, de parents d’origine parisienne, Jocelyne a été attirée dès la maternelle par le charbon entreposé près de la cour de récréation. Avec un copain de son âge, ils se décoraient le visage en faisant, me dit-elle, « du doux noir » au grand dam de la maîtresse et de sa mère venant la rechercher à la sortie de l’école. L’appel du fusain était lancé. Jocelyne commencera à dessiner à cinq ans et ne s’arrêtera plus. Après avoir fréquenté assidûment l’École d’art et des Arts appliqués de Saint-Amand-Montrond et poursuivi de brillantes études de latin-grec, elle entrera à la Sorbonne-Institut d’art à Paris, où elle obtiendra sa maîtrise d’histoire de l’art.

Patience et Persévérance

 Après plusieurs années de recherche à la Sorbonne dans cette spécialité, une parenthèse allait s’ouvrir devant elle. Sa bonne connaissance de la langue française, ses études de latin et de grec lui permettront d’aborder le monde de l’Édition en qualité de préparateur de manuscrits, puis comme journaliste dans la presse hebdomadaire. Concomitamment, elle recommence à se consacrer à sa passion première, l’Art, et franchit le Rubicon en abordant aux rivages de la création artistique. La peinture à l’aquarelle la séduit depuis longtemps : « J’ai été attirée par la puissance suggestive de cette technique : espèce de concentré entre l’idée et le geste, entre le concept et la forme que je donne à celui-ci, avec un minimum de gestes sur le papier. Et puis, me dit-elle, quelle belle aventure que l’aquarelle lorsque je mélange avec harmonie l’eau et les pigments sur le papier. » A ma question de savoir quelles sont, selon elle, les qualités premières que doit avoir un peintre à l’aquarelle, sa réponse fuse : « C’est la patience et la persévérance que je place en premier parmi beaucoup d’autres, et notamment, la sûreté du coup de pinceau alliée à la prise rapide des décisions. »

Quant à ses rapports avec les sujets qu’elle traite, Jocelyne Chauveau me démontre que, avant d’être une aquarelliste, elle est d’abord une dessinatrice et une artiste peintre passée par les beaux-arts de la Ville de Paris sous la direction d’André Maigret, l’Académie de la Grande Chaumière à Montparnasse et celle de Port-Royal où elle a reçu l’enseignement de maîtres tel Jean Marzelle. Par la suite, elle travaillera avec Cao Bei An, Roland Palmaerts et Marie-Line Montécot, des artistes amis pour qui elle a le plus grand respect. Aussi, elle me précise : « Ce n’est pas la ressemblance au sujet que je cherche, quel que soit le sujet, mais la petite vibration lumière-couleur-mouvement qui va distancier l’œuvre de son modèle et lui donner son autonomie, ou la recomposition qui va la décaler. Jeu visuel, mais pas seulement. C’est une nouvelle réalité qui éclot, moins descriptive, plus poétique et va même jusqu’à l’abstraction, car la réalité n’est pas seulement figurative. L’abstraction est présente dans le réel, est elle-même une réalité, c’est une question d’échelle. »

Doute philosophique

Concernant la technique de l’aquarelle dans laquelle elle s’est spécialisée, elle rappelle souvent à ceux qui l’interrogent : « Je n’ai pas une technique. J’utilise toutes  les approches techniques possibles que je connais pour atteindre l’effet que je souhaite et je jette aussi volontiers les essais négatifs, ne gardant parfois qu’un ou deux centimètres carrés pour poursuivre ma recherche. Il y a toujours de l’incertitude au départ, car il y a plusieurs voies possibles, et il y a toujours le doute à l’arrivée : le doute philosophique. »

J’ai vu cette belle artiste, modeste et raffinée, dessinatrice hors pair, exécuter, en démonstration publique, des portraits d’après modèle vivant directement au pinceau, mouillé dans le mouillé, sans aucune préparation préalable, ce qui est rare. Sociétaire des artistes français, en janvier 2007, et de la Fondation Taylor, elle vient d’obtenir, entre autres nombreuses distinctions, la médaille de Vermeil de la Ville de Paris. Elle expose aussi bien en France qu’à l’étranger depuis de nombreuses années.

Et elle conclut notre entretien en rappelant : « Le premier degré de la recherche, c’est la lumière : c’est elle qui construit les masses et détruit les contours des formes, c’est elle qui guide l’œil vers le point focal ou vers la sortie du tableau. La beauté ? Je sais voir d’instinct quand quelque chose est beau ou pas, mais je ne sais pas définir la beauté. La beauté est souvent quelque chose qui écrase. Je ne la cherche pas, si elle s’installe, tant mieux ; je ne la cherche pas, mais je me contrains à certaines règles de composition et d’harmonie, comme en musique. » En attendant, ce soir, la Butte-aux-Cailles était en fête et Jocelyne en était la vraie Reine.

                                                                                                              Marc ALAVOINE

                                                                                                         Journaliste

                                                                                                         Rédaction d'Art'issime

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 21:10

 

La première fois que j’ai touché la terre, c’était à l’âge de cinq ans, me dit-elle. Un puissant lien, indéfinissable, venait de se créer entre elle et moi. Bien plus tard, vers quinze-seize ans, je découvrirai que l’épouse du directeur de mon lycée était potière et qu'elle venait de créer un atelier au sein même de l'établissement. »

 

« A cette époque, je ne voulais plus étudier, je désirais devenir potière malgré l'opposition frontale de mes parents. » Cependant, ceux-ci, sensibles à ses aspirations de jeunesse, lui achetèrent un tour et un petit four, mais en lui faisant promettre d'achever ses études destinées à l’enseignement. Promesse tenue, puisque Monica Stüttgen devint professeur des écoles dans son pays. Plus tard, elle quittera le domicile de ses parents et connut un artisan potier près de Heidelberg avec qui elle se mariera. Une vie de bohème commence alors. Elle réalise ses premiers pots sur une île de la mer du Nord puis s'installe en France avec son mari aux Aix-d'Angillon, dans le Centre France, tout près de La Borne, la patrie des potiers. Concomitamment à son activité française de ses débuts, elle continuera son travail de production en Allemagne.

 

Poésie

 

Monica Stüttgen a poursuivi lentement, mais patiemment, un chemin souvent semé d’embûches, sans jamais abandonner ses rêves de potière. Les aléas de la vie ont guidé ses pas vers cette région de Rhénanie-Westphalie où elle demeure depuis vingt ans. « Mon oncle m’a beaucoup aidée à me reconstruire ici. Depuis le mois de janvier, je me sens libérée de ma charge d’enseignante. » En cette fin octobre 2019, elle nous parle avec passion de ce métier d’art qu’elle exerce avec talent. Son atelier de poterie*, dans lequel elle nous reçoit, est à son image. Ici, la poésie est omniprésente dans la plus grande partie de son domaine : d’abord, dans sa maison-atelier, où le visiteur curieux peut trouver, entre autres, toutes sortes d’objets familiers, ensuite, dans le pré entourant la maison. Là, on y rencontre un monde animal de ferme étonnant, mais aussi des personnages champêtres surprenants et hauts en couleur qui semblent sortis directement d’un four féerique. « Mes céramiques, précise-t-elle, sont fabriquées individuellement et uniquement à la main en plusieurs étapes, cuites à haute température et extrêmement durables, c’est-à-dire résistantes au lave-vaisselle, au micro-ondes et au gel. »

En cette avant-veille de fêtes, je quitte cette maison enchantée fleurant bon la féerie populaire des très anciens contes allemands qui firent rêver de nombreuses générations. « L’art doit-il être utile ou non ?» Éternelle question que se posent les artistes et pour laquelle je répondrai par l’affirmative. La fée Monica du Stevertal est passée par là.

 

Pour les Amis d'Art'issime :

Pierre-Émile GIRARDIN

* Töpferei Atelier Monica Stüttgen, Stevern 90, 48301 Nottuln. Tél. : 02502-226992

info@toepferei-atelier-s.de; www.toepferei-atelier-s.de

 

 

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21 septembre 2021 2 21 /09 /septembre /2021 15:08
Gérard Cabus dans son atelier

Gérard Cabus dans son atelier

 

 

Il est originaire d’une belle famille française, républicaine et laïque, romanesque en diable, intellectuelle, avec un père professeur de français-histoire-géo et un grand-père maternel maîtrisant le latin et le grec appris à la fin du XIXe siècle chez les Jésuites. Leurs destins se sont croisés après la Grande Guerre sur un bateau partant pour Alexandrie et une famille s’est construite au sein de cette ville égyptienne quelques années plus tard. Réfugié pour l’un, avec sa famille chassée de Smyrne par les Turcs ; émigré sous contrat de l’Éducation nationale pour l’autre, avide de voyages et de connaissances. Le roman du peintre Cabus a donc débuté  le 21 janvier 1928 à Alexandrie. Fils unique, il sera, dès son plus jeune âge, confronté à un brassage culturel d’importance dans les petites classes du lycée de la ville dirigé par son père.

 

Au milieu d’enfants égyptiens, érythréens, turcs, ou éthiopiens, le jeune Cabus s’ouvrira au monde cosmopolite et pauvre qui l’entoure. Très tôt aussi, il dessine. Pouvait-il alors ne pas prendre le contrepied de cet imposant cercle familial en choisissant une autre voie – celle-là non tracée -, sinon par ses crayons et pinceaux ? Ne déclarait-il pas à son père dès l’âge de huit ans : « Je veux être peintre. » Plus tard, cet homme éclairé l’entendra. « Mon père m’a ouvert les yeux sur la peinture, il m’a fait découvrir les cubistes, les fauves et d’autres courants picturaux qui foisonnaient entre les deux guerres. »

 

Cependant, le retour en France de la famille Cabus va se dérouler à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Nouvelles peurs, nouveaux déchirements pour ces Français rapatriés. Le père de Gérard Cabus est muté à Tournon-sur-Rhône, en qualité d’inspecteur primaire. Cabus me dit « avoir à cette époque sombre dessiné à tour de bras » en racontant des histoires qu’il illustrait dans un journal qu’il avait réalisé. Nouvelle mutation du père en 1944, mais à Lyon, cette fois. Cabus rejoint alors ses parents en 1945 et entre au lycée du Parc dans le VIe arrondissement de la ville. Deux ans plus tard, il franchit les portes des beaux-arts de Lyon sans aucun diplôme pour devenir dessinateur d’illustrations. Tout en étudiant, il apprend le métier de taille-doucier chez un imprimeur lyonnais et fréquente une classe de décoration. Il dessine également du modèle vivant. Cependant, il quittera les beaux-arts de Lyon d’où il sera finalement exclu. Il suit alors des cours de peinture le soir et travaille avec le graveur Barbier. Il déménage de nouveau avec ses parents dans la région parisienne et entre à l’École Estienne en 1951.

 

Sous la direction de MM. Coté et Mercier, il apprend la gravure à l’eau-forte et la lithographie. Par la suite, il améliorera ses connaissances en peinture sous la houlette du professeur Lombard à la Ville de Paris. Ne pouvant obtenir de parrainage, il abandonnera à regret le métier d’illustrateur de livres. Après avoir fait à peu près le tour des Arts graphiques, il va enfin exercer son métier de peintre qu’il avait choisi dès sa prime enfance. Partageant une chambre de bonne à Paris avec sa première épouse, elle-même metteur en page et graphiste, il va mener une dure vie de bohème partageant son temps entre Paris et les Baux-de-Provence, où il peindra pendant cinq ans. Il y rencontre Louis Jou, prestigieux peintre-graveur et typographe espagnol, ami du grand modèle Kiki de Montparnasse. Il revient sur Meudon où il peint de grands formats. A cette époque, il est remarqué par l’artiste peintre Vieira da Silva. Par son intermédiaire, il expose à la Galerie Pierre Loeb où il signe un contrat avec d’autres artistes déjà célèbres tels Kallos, Macris, Dufour et Georges Romathier.    

                                                 

"Je peins au pastel sec..." 

     

Cabus restera fidèle  à cette galerie jusqu’en 1961, la riche clientèle américaine et belge, ainsi que les Filatures du Nord, disparaissant progressivement. Il faut d’ailleurs préciser que dès 1959, le marché de l’art parisien se déplacera à New York, Paris perdant inexorablement sa place de leader. Gérard Cabus exposera pendant cette période encore faste, entre autres, au Salon de Mai créé par un groupe de peintres, sculpteurs et graveurs, en octobre 1943, pour s’opposer à l’idéologie nazie et lutter contre sa condamnation de « l’art dégénéré ». L’année 2014 aura vu la dernière édition de ce salon avec un hommage appuyé rendu aux quelque cinq mille artistes qui ont participé à cet événement annuel pendant soixante-sept ans. Il participe également au Salon d’Automne et au Salon des Réalités Nouvelles fondé en 1946.

Aujourd’hui, il continue de peindre, mais il a abandonné l’huile, car «… la préparation technique de la toile à l’état brut, à la colle de peau et au blanc de Meudon, me revient trop cher et ma petite retraite ne suffit pas », souligne-t-il. « Je peins au pastel sec depuis plus de cinq ans, je réalise des gouaches et m’intéresse à l’aquarelle. J’écris mes Mémoires pour ma famille et je travaille sur ordinateur », en désignant son petit bureau qui jouxte l’atelier.

 

Dans son appartement-atelier du XIIIe arrondissement de Paris, Gérard Cabus m’a parlé pendant plusieurs heures à cœur ouvert de sa vie, de façon intarissable – « une véritable saga » - d’une vie toujours pleine d’espoirs, avec son éternel sourire. « Je n’ai jamais eu de diplôme, me dit-il, et je tiens à le dire, c’est pour moi un honneur ! » Sa modestie dût-elle en souffrir, j’ai découvert un artiste complet aux connaissances approfondies. Et là est le principal. Longue route Gérard !

Pour la Rédaction :

Pierre-Émile GIRARDIN

Art'issime n° 36

30 juin 2015

Photos PEG et Cabus

 

 

ST, pastel sec, 50 x 65

ST, pastel sec, 50 x 65

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29 septembre 2019 7 29 /09 /septembre /2019 22:10

Ce très chaud mois de juin 2019, nous nous en souviendrons... 44 degrés au thermomètre. Il en a fallu du courage à l'exposante et à ceux qui l'ont entourée pour accrocher la centaine d'aquarelles au sein de ce bâtiment du XIIe siècle. Un accrochage parfois sensible pour quelques grandes aquarelles qui allaient apporter pendant un mois leur douceur colorée aux restes du dernier prieur gisant au fond de la fosse!!!

Ainsi, quinze ans après sa première exposition, la talentueuse Jocelyne Chauveau, l'enfant du pays, est revenue sur ce lieu de Culture prestigieux du Berry, à deux pas de l'abbaye de Noirlac, accompagnée chaque jour par une nuée d'hirondelles et autres joyeux oiseaux venus prendre la fraîcheur dans le vieil édifice, avant d'aller tremper leurs pattes dans le Cher tout proche. Cet été, Jocelyne Chauveau nous a invités à découvrir des œuvres à la limite de l'abstraction, mais  où la poésie est toujours présente. Pour en arriver à ce degré de perfection, elle a commencé à dessiner à cinq ans et ne s’arrêtera plus. Dans la nature, son sens de l'observation fait merveille. Après avoir fréquenté assidûment l’École d’art et des Arts appliqués de Saint-Amand-Montrond et poursuivi de brillantes études de latin-grec, elle entrera à la Sorbonne-Institut d’art à Paris, où elle obtiendra sa maîtrise d’histoire de l’art. 

Patience et persévérance

La peinture à l’aquarelle la séduit depuis longtemps : « J’ai été attirée par la puissance suggestive de cette technique : espèce de concentré entre l’idée et le geste, entre le concept et la forme que je donne à celui-ci, avec un minimum de gestes sur le papier. Et puis, me dit-elle, quelle belle aventure que l’aquarelle lorsque je mélange avec harmonie l’eau et les pigments sur le papier. » A ma question de savoir quelles sont, selon elle, les qualités premières que doit avoir un peintre à l’aquarelle, sa réponse fuse : « C’est la patience et la persévérance que je place en premier parmi beaucoup d’autres, et notamment, la sûreté du coup de pinceau alliée à la prise rapide des décisions. » J’ai vu cette belle artiste, modeste et raffinée, dessinatrice hors pair, exécuter le 23 juin dernier, en démonstration publique, le portrait aquarellé d'une jeune fille de la région directement au pinceau, mouillé dans le mouillé, sans aucune préparation préalable, ce qui est rare. Sociétaire des Artistes français, en janvier 2007, et de la Fondation Taylor, elle vient d’obtenir, entre autres nombreuses distinctions, la médaille de Vermeil de la Ville de Paris. Elle expose aussi bien en France qu’à l’étranger depuis de nombreuses années.

Et elle conclut notre entretien en rappelant : « Le premier degré de la recherche, c’est la lumière; c’est elle qui construit les masses et détruit les contours des formes, c’est elle qui guide l’œil vers le point focal ou vers la sortie du tableau. La beauté ? Je sais voir d’instinct quand quelque chose est beau ou pas, mais je ne sais pas définir la beauté. La beauté est souvent quelque chose qui écrase. Je ne la cherche pas, si elle s’installe, tant mieux ; je ne la cherche pas, mais je me contrains à certaines règles de composition et d’harmonie, comme en musique. » 

Puis elle se retourne d'une pirouette. Tout était dit... ou presque.

Pour le magazine Art'issime

Marc ALAVOINE

 

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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 22:09

APRÈS une saison musicale 2018 bien remplie, la plus parisienne des Japonaises, la talentueuse Yoko Kaneko, - une des meilleures pianofortistes du monde musical actuel -, nous invite à l'auditorium Colbert de la BNF qui abrite l'Institut national de l'histoire de l'art 1, pour une soirée exceptionnelle présentée par M. Étienne Valère, conservateur BNF. L'incontournable et brillant violoncelliste Christophe Coin l'accompagnera  dans cette nouvelle aventure musicale sur la Sonate Arpeggione de Schubert créée, sur commande, en 1824, par le célèbre compositeur en l'honneur de ... l'arpeggione. Cet instrument hybride à six cordes inventé l'année précédente par le luthier Johann Georg Staufer comme déclinaison d'une "guitare à archet", se révélera finalement peu commode à jouer, le jeu à l'archet étant rendu très délicat. Passionnés de musique ancienne, ces deux grands chambristes présenteront ainsi demain soir une nouvelle transcription de l'œuvre schubertienne dans ce lieu historique de l'Art en faisant entrer le pianoforte Walter Clarke de Yoko Kaneko et l'arpeggione de Christophe Coin.

Pianos historiques

C'est à la Tōhō-Gakuen de Tokyo que Yoko Kaneko commence ses études musicales. Elle a quatre ans et la méthode Kodály sera le déclencheur d’une très grande carrière. « Je suis très fière de mes études japonaises », me dit-elle. Ayant été sélectionnée, elle a obtenu une bourse du gouvernement français. Elle s'installe à Paris puis entre au CNSMD en 1987 dans la classe de piano de Yvonne Loriod-Messiaen, puis de Michel Béroff, et celle de Jean Mouillère pour la musique de chambre. Elle reçoit également les conseils de grands maîtres tels que Germaine Mounier, Jean Hubeau, György Kurtag et Menahem Pressler 2..

En 1991, elle obtient les premiers prix de piano et de musique de chambre ainsi que le diplôme d’analyse et est acceptée en cycle de perfectionnement de musique de chambre à l’unanimité. « J’essaie de rendre authentiques les œuvres des grands compositeurs en connaissant d’abord leur style spécifique pour pouvoir obtenir ensuite une interprétation juste », me confie-t-elle avec cette passion musicale si belle à voir et à entendre. Inspirée par les pianos historiques, elle acquiert la pratique de ces instruments avec Jos van Immerseel, à l’origine de la création de la classe de pianoforte au CNSM de Paris en 1992. Elle commence sa carrière de pianofortiste en 2005, dès l’arrivée de son pianoforte. Cette grande artiste a créé le Quatuor Gabriel en 1988. Depuis, elle enchaîne les concerts internationaux et les enregistrements et obtient les plus hautes récompenses musicales.

Les éditions successives de la sonate nous l’ont présentée dans des transcriptions diverses (pour violon, violoncelle, alto ou instruments à vent), mais le manuscrit original de Schubert, conservé au département de la Musique de la BNF, incite à redécouvrir l’œuvre dans sa conception initiale.

Une soirée musicale originale et de qualité à ne pas manquer.

Pour la rédaction d'Art'issime

Pierre-Émile GIRARDIN

1) INHA, auditorium, Galerie Colbert, 2, rue Vivienne, 75002 Paris à 18 heures (Métro Bourse, Pyramides, Quatre-Septembre, Palais-Royal). Entrée libre.

2) XIIe Festival de musique de chambre à Giverny : Passion et Enthousiasme (Art'issime n°38)

3) Photos : DR et PEG

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11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 16:26

Chers artistes, lecteurs et partenaires,

Dix-huit mois d'absence quasi totale de nos colonnes nous ont permis de nous reposer, mais également - et surtout - de réfléchir longuement sur ces onze dernières années de dur labeur passées à faire vivre bénévolement une presse d'informations artistiques internationales totalement indépendante des pouvoirs quels qu'ils soient. Cependant, cette parenthèse s'achève car l'association éditrice Les Amis d'Art'issime nous interpelle à nouveau en ce printemps 2019. Contraints et forcés en fin d'année 2016 par des raisons pécuniaires de cesser momentanément notre publication sur support papier, nous allons tenter de maintenir ce blog afin de réunir de nouveau les quelques milliers de lecteurs qui nous avaient fait confiance dans les périodes les plus fastes de cette dernière décennie. Notre prochain conseil d'administration sera amené à se prononcer sur les initiatives à prendre et nous vous tiendrons informés des décisions qui vous seront soumises.

En attendant, le magazine Art'issime renouvelle ici ses pages musicales, picturales et littéraires à votre intention.

Bonne lecture !

Amitiés à tous.

Pierre-Émile GIRARDIN

 

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 17:26

En cette fin d'année un peu morne, quoi de de plus enivrant et régénérateur que de pénétrer ce bon vieux village Saint-Paul dans le IVe arrondissement de Paris. Face à l'imposante enceinte de Philippe Auguste, la rue calme des Jardins-Saint-Paul, en plein Marais, avec ses anciennes maisons qui la longent à distance respectable, nous restitue le parfum de la Renaissance. Ici, nous croisons le fantôme de Rabelais qui vécut et mourut le 9 avril 1553. Ayant cette muraille vieille de trois siècles et demi devant les yeux, l'auteur de Pantagruel n'avait de cesse de la railler pour sa vétusté. Aussi ne faisait-il pas dire à Panurge dans son Pantagruel paru en 1532 : "Voyez cy ces belles murailles. O que fortes sont et bien en point pour garder les oisons en mue. Par ma barbe, une vache avec un pet en abatroit plus de six brasses."

Deux grandes artistes se sont donc donné rendez-vous en ce lieu magique pour y exposer et présenter leurs dernières œuvres :  alors, à tout seigneur, tout honneur ! Kayoko Hayasaki, est une habituée du Village Saint-Paul, et plus particulièrement du célèbre Atelier Mire qu'elle fréquente depuis la fin du XXe siècle. Dès 1999, elle modèle et sculpte la terre à l'espace Sorano de Vincennes. Au cours d'un de ses nombreux voyages au Japon, où elle perfectionne sa formation aux techniques traditionnelles de poterie, modelage et céramique, elle rencontre le maître céramiste Tadashi Mori, par ailleurs membre de l'académie internationale de céramique de Genève, avec lequel elle travaillera au cours de plusieurs séjours. A l'invitation de Kayoko Hayasaki, le maître japonais se rendra en France et s'intéressera à la "bonne qualité" de la terre de la campagne bourguignonne. A tel point qu'il en préconisera une recette pour l'accommoder: A l'instar du grès, cette terre peut être cuite à 1 300 degrés.

Depuis 2005, Kayoko est devenue propriétaire de l'Atelier Mire qu'elle a développé et agrandi en créant la galerie qui porte son nom. Si cette artiste continue d'enseigner la céramique, elle persévère dans ses recherches, expériences et découvertes utiles à la pratique de cet art ancestral.  Aussi, elle fréquente inlassablement les hauts lieux de la terre et du feu tant en France (Pouligny, la Borne) que sur sa terre natale (Bizen, Comono). Toutes les techniques de cuisson lui sont familières, mais elle affectionne plus particulièrement la cuisson au bois. Au cours de notre visite, elle nous a présenté 36 tasses à saké merveilleusement réalisées par "Yakishimé", une cuisson électrique qui ressemble à une cuisson au bois. Concernant la forme de ses œuvres, elle adopte une nouvelle expérience avec des pièces à doubles parois, ouvertes et fermées, mais émaillées. Ici, l'harmonie dans la dissymétrie de ses œuvres est bien révélée par la technique de l'Ikebana. Une pure merveille! Cette artiste pleine d'humilité et de sagesse sait partager avec ses hôtes son talent créatif et sa bonne humeur. Merci Kayoko!

Avec cette Tranche de ville, prélevée sur des immeubles de Paris, la photographe d'art Martine Peccoux - bien connue des lecteurs de notre magazine -, mais aussi de tous les amateurs de belles photos en argentique, nous présente des œuvres en osmose avec les céramiques, ses voisines d'exposition. Formée à l'art photographique à l’École supérieure d’arts graphiques Guillaume Met de Penninghen (ancienne Académie Julian), puis plus tard assistante chez Jean-Marie Chourgnoz, publicitaire et photographe réputés, Martine Peccoux représente " l’art de la  prise de vue jusqu'à tenter d’atteindre la perfection, le travail sur la lumière ou le cadrage", car rien n’échappera désormais à l’œil vigilant de cette artiste pour qui « la photo ne peut être décrite par des mots ». « La photo, nous dit-elle, doit parler d’elle-même, puisque c’est une image fixe qui doit ressentir quelque chose. »

Cette journaliste professionnelle fera les beaux jours des grandes agences de presse pendant plus de vingt-cinq ans avant d'assouvir sa passion pour le cinéma en participant à plus de cinquante films français et américains, en qualité de photographe de plateau. Ainsi, de 1980 à 1986, elle croquera les plus grands acteurs et deviendra, entre autres, la photographe attitrée d’Yves Montand*. Pour ces portraits, Martine Peccoux travaille exclusivement en argentique et en noir et blanc. « J’aime l’argentique, me confie-t-elle, particulièrement au moment du développement. Se faire peur est magique ! » Cette talentueuse artiste au caractère bien trempé est cotée à Drouot sur le marché de la photographie depuis 2007. Pour cette nouvelle exposition elle a "traqué", avec une belle créativité, les façades d'immeubles parisiens sous des angles improbables, au graphisme original tiré vers le ciel de la perfection. L'imaginaire et le ressenti de Martine ont fait le reste, car derrière ces façades, ce sont des volumes, des espaces dans lesquels Martine Peccoux nous invite à la réflexion. 

L’art du reportage photo fait appel à une intelligence et à une sensibilité de tous les instants, où réussite et échec se côtoient au millième de seconde. En ce sens, les œuvres de Martine Peccoux relèvent bien de la magie : l’intimité au bout de l’objectif et la lumière pour horizon. Un régal pour les yeux.

Pour la Rédaction d'Art'issime 

Pierre-Émile GIRARDIN

*Art'issime n° 30

 

 

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23 septembre 2017 6 23 /09 /septembre /2017 19:29

Depuis une petite semaine, les soixante-huit artistes qui se partagent l’espace des Chaumes de la bourgade de Meillant, dans le Cher, ont entouré  et célébré, une fois de plus, le mariage heureux des arts plastiques et graphiques par l’intermédiaire de deux artistes invités d’honneur, le peintre Dominique Pivin, ancienne élève de l’École Estienne à Paris, et le céramiste Jean-Pierre Bonardot, formé, entre autres, par Marcel Gili aux beaux-arts de Bourges. Une exposition internationale de qualité et une ambiance sérieuse et chaleureuse qui ne se dément pas d’année en année.

Ceux qui passeront par Meillant ce week-end pourront rencontrer les artistes, qui ne manqueront pas de leur expliquer leur démarche artistique. En tout cas, une belle journée ensoleillée vous attend. Alors vous n’avez plus de temps à perdre.

La Rédaction d’Art’issime

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21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 09:23

Depuis 2001, Giverny et les impressionnistes célèbrent, en août, la musique de chambre. Pour sa quatorzième édition, ce festival de musique atypique – véritable réplique de celui de Marlboro aux States -, créé en 1946 par trois grands musiciens, Serkin, Casals et Moïse, fait appel à des musiciens seniors qui viennent partager leur amour de la musique avec de jeunes interprètes en résidence dans les jardins de Giverny. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette vingtaine de juniors sont pour la plupart des solistes d’orchestres prestigieux, des musiciens de chambre aguerris, mais aussi de brillants étudiants en fin de formation dans les plus grands établissements d’enseignement musical à travers le monde. Notre magazine, qui suit avec passion l’évolution de ce véritable « Atelier de musique », est heureux de découvrir chaque année de nouveaux talents choisis avec soin par Michel Strauss et son équipe.

 

 

 

Franghiz Ali-Saleh, compositeur (DR)

Cette année, le programme musical se décline sur deux thèmes et pendant dix jours : Musique en révolution et la Route de la Soie. Certes, la révolution d’Octobre en Russie est dans toutes les mémoires, période féconde et porteuse d’espoir pour les peuples opprimés par les guerres et les dictatures. On sait, hélas! ce qu’il en adviendra par la suite. Chostakovitch sera un des rares compositeurs russes à résister, puis à survivre difficilement à l’ère stalinienne, mais au prix de quels renoncements ! Ce très grand compositeur est à l’honneur à Giverny avec d’autres « révolutionnaires » tel le grand Beethoven, qui, lui, a révolutionné la musique à une époque charnière qui marquera durablement dans la forme la musique symphonique et la musique de chambre.

 

Adriana Ferreira (photo Philippe Pache - DR)

Dans la seconde thématique, la Route de la Soie incarne « le grand brassage des cultures des peuples » traversées par cette route immense. Belle nouveauté avec la venue de la compositrice azerbaïdjanaise Franghiz Ali-Zadeh, qui créera une œuvre pour le festival. Par ailleurs, deux versions de Shéhérazade seront proposées au public, l’une de Rimski-Korsakov et l’autre de Maurice Ravel. Avec Borodine, vous vous dirigerez Dans les Steppes de l’Asie centrale.

Sharon Stone, soprano (DR)

Deux conférenciers, Agathe Keller et Laurent Mazliak, viendront de nouveau associer les sciences  au festival : ils parleront des mathématiques franco-russes et de

 la circulation des savoirs. Avec un tel programme, soit 11 concerts à Giverny et Vernon, ainsi que dans les églises romanes environnantes, il ne vous reste plus qu'à honorer de votre présence Giverny et tous ses talentueux artistes dans le cadre privilégié du village de Monet.

 

Pour la Rédaction d’Art’issime

Pierre-Émile GIRARDIN

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5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 18:29

Cette treizième édition aura été marquée, une fois de plus, par le travail remarquable et remarqué des organisateurs. L'excellente pianiste franco-brésilienne Juliana Steinbach, directrice artistique, nous a présenté ces Voyages imaginaires où nous avons pu apprécier des artistes de grand talent, tels Nelson Freire au piano, dans son concert du 1er août avec des œuvres de Chopin, Beethoven, Vila-Lobos et Stojovski. Ayako Tanaka, violoniste, bien connue de nos lecteurs, Tibi Cziger, clarinettiste, les incontournables violoncellistes du festival : Éric Maria Couturier et Guillaume Martigné, mais aussi l'immense guitariste Emmanuel Rossfelder dans des œuvres d'Albeniz, Granados ou Tarrega.

Les amateurs de musique de chambre auront été comblés par ces Voyages imaginaires. Ils reviendront bien vite l'année prochaine au cœur de cette belle région où musique et bonne chère se marient avec bonheur au chevet des églises romanes.

La Rédaction d'Art'issime

 

   

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