Sous son visage de rêveur et sa voix douce se cache un redoutable chercheur d'images à la sensibilité toujours affûtée. Et comme tout chercheur, il doute, il se questionne, même après une quarantaine d'années de travail habitées par le rêve qu'il offre à ceux qui, l'espace d'un instant, ont rencontré ses œuvres. Philippe Dubois, c'est sûr, n'est pas « monsieur clic-clac ». Il ne se prend pas au sérieux, mais contrairement aux « Importants », il nous invite, avec une simplicité et une acuité sans faille, à regarder à travers ses photos la vie autrement. Alors, me dit-il, « qu'importe la méthode employée ! » Issu des Arts graphiques, il passera par toutes les étapes liées à la photographie d'art et exercera ses talents principalement dans des agences de création, telle l'agence parisienne de référence Chourgnoz, pendant deux décennies, puis comme créateur indépendant. « Dans ces agences, me dit-il, j'ai toujours privilégié la recherche, qui est essentielle. »
Ainsi, me rappelle-t-il, « tout commence par une quête d'images – qu'elles soient argentiques ou numériques n'a pas beaucoup d'importance –, récoltées depuis longtemps, souvent par le hasard d'un regard, comme une rencontre parfois heureuse, elles s'imposent... D'une moisson à l'autre s'organise alors l'horizon d'un paysage improbable, mais bien réel, puisque le temps, le hasard et "la trahison des images", selon Magritte, se jouent perpétuellement de nous. » Mais Dubois le poète peut aussi vous envoûter lorsqu’il aborde ses « incertains rivages » proches ou lointains. En cette soirée pluvieuse d’avril, sa voix semble habiter la petite galerie Hayasaki*, qui a su accueillir ses œuvres avec cette délicatesse nipponne qui force le respect. Alors, écoutons-le encore lorsqu’il me parle d’un de ses thèmes photographiques qui a particulièrement attiré mon attention sur les cimaises : « Tout commence par une émotion parfois si fugitive qu’elle se mélange aux souvenirs, aux rêves d’où naît l’incertitude des choses vues. C’était quand et où exactement, cette feuille cueillie dans le caniveau, si jolie, si seule, si perdue ? Qu’importe encore puisque, dans les reflets du soleil d’automne, sa solitude m’a touché. Lui redonner son envol éphémère était donc la moindre des choses … »
Voir et penser la vie autrement à travers la magie et la créativité photographiques, tel est le message humaniste que nous livre ce grand artiste. Merci l’Ami !
Pierre-Émile GIRARDIN
Journaliste
Art’issime
* Galerie Hayasaki, village Saint-Paul, 12-14, rue des Jardins-Saint-Paul, 75004 Paris, jusqu’au dimanche 7 mai 2017. Ouvert mercredi/vendredi de 14 à 19 heures ; samedi/dimanche de 14 à 18 heures. Tél. : 01 42 71 10 29. M° Saint-Paul ou Sully-Morland.